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Focus mini – Hinckfoot lily

Focus mini – Hinckfoot lily

Hinckfoot Lily

« Ceci n’est pas une artiste »

La référence à René Magritte ne vous aura pas échappée!

Lily “is not an artist” comme le revendique son compte Instagram, et elle n’hésite pas à vousle rappeler lorsque vous lui poser la question.

Ainsi débute mon entretien avec cette femme aux multiples qualités artistiques, bien trop humble et pudique pour oser revêtir ce mot si noble à son cœur.

Pourtant, Lily semble imprégnée d’un besoin de partager ses émotions par n’importe quel moyen depuis son plus jeune âge.

Après des études dans le domaine des arts plastiques et arts appliqués, elle obtient son diplôme de modéliste créateur en 2012 à Toulouse. Originaire de Saint Martin, elle retrouve avec bonheur son île la même année pour ne plus la quitter.

Depuis sept ans, c’est ici qu’elle enseigne avec passion les arts appliquésau sein d’un établissement.En parallèle, cette nécessité de créer n’apas cessé debaignerson quotidien. De la décoration d’évènement au travail deCake Design jusqu’en 2017, le passage de l’ouragan Irma officialise un tournant dans sa vie d’artiste.

L’association WallArt lui demande alors de redonner ses couleurs à Saint Martin en réalisant une fresque.

Deux ans plus tard, Lily peint toujours sur les murs et commence à développer son style tout en se faisant une place dans le monde du Street Art. Sa notoriété grandissante, les collaborations avec différentes marques et les festivals à l’étranger se multiplient pour son plus grand plaisir.

La rigueur, le soin et la polyvalence sont les principales qualités qui se reflètent à travers son travail.

C’est pourquoi Lily ne semble pas se cloisonner dans un style en particulier, même si des notes Pop-Art émergent de ses fresques aux couleurs acidulées, cernées par des lignes graphiques et épurées.

Le résultat est là, net, précis, dynamique.

Ses idées sont inspirées du monde qui l’entoure, créant la plupart du temps sur demande, retranscrivant les envies des autres, tout en y mettant sa pâte artistique.

Et si notre enseignante appréhendait le grand format que pouvait lui offrir la rue à ses débuts, elle trouve désormais dans la peinture murale une gratitude qu’elle ne trouverait pas en galerie, percevant avec plaisir l’impact sur la population.

Transmettre et partager, tout simplement. Pas étonnant qu’à la question «quel serait le plus beau compliment qu’on puisse faire à l’artiste que vous êtes ?» elle me réponde naturellement «Ce serait de donner vie à mes créations en les photographiant et en les partageant.»

Lily is not an artist, elle est certainement bien plus que cela, n’en déplaise à Magritte

PassCard One Shoot :

Insta : @lilysnotanartist

Email: lily.hinckfoot@gmail.com

1/ Quel fut votre parcours professionnel et artistique ? Ont-ils été liés tout au long de votre parcours ?

Après avoir obtenu un Baccalauréat littéraire, en 2006, mon parcours artistique débute en Guadeloupe en classe Prépa Arts Plastiques/Arts Appliqués (pour connaître un peu toutes les options qui s’offraient à moi).

Je me suis par la suite spécialisée en Design Textile dans une école privée ESIMode du Groupe ModArt International, à Toulouse, où j’ai obtenu mon Diplôme de Modéliste Créateur en 2012.

Depuis 2012 je suis rentrée vivre sur St Martin et j’ai tout de suite commencé à travailler au Lycée Professionnel, d’abord en tant qu’assistante d’éducation et j’ai, par la suite, passé les concours afin d’y enseigner les Arts Appliqués. Ça fait maintenant 7 ans que j’enseigne dans cet établissement, et j’adore ce que je fais !

En parallèle de cette profession, j’ai toujours créé d’une manière ou d’une autre.

J’ai d’abord commencé à faire de la décoration d’évènement, où je planifiais, décorais, mais je m’occupais surtout de la communication visuelle de ces évènements. Ensuite je me suis spécialisée dans le Cake Design, et là je créais de vraies œuvres d’art éphémères. De la sculpture en pâte à sucre, à la peinture comestible en passant par l’aérographe (airbrush), je me suis autoformée dans ce domaine. En 2017, après le passage de l’ouragan Irma j’ai été contrainte d’arrêter cette activité par manque de moyen car j’avais perdu la totalité de mon matériel.

Est venu le temps de reconstruire l’ile et de l’embellir, avec la création de l’association WallArt St Martin, mon ami TREMOR Donovane m’a alors demandé de réaliser une fresque.

J’ai pris énormément de plaisir à travailler sur un format différent de ce que j’avais jusqu’à maintenant eu l’habitude de travailler. Et de fil en aiguille j’ai commencé à en faire de plus en plus.

Je commence maintenant à développer mon style et à me faire un petit nom dans le monde du Street Art à sxm, et je suis de plus en plus contactée pour travailler et participer à des festivals à l’étranger ! Grâce cette petite notoriété montante je commence également à faire des collaborations, avec des marques diverses, et donc je fournis plus un travail de graphiste.

 

2/ Expliquez-nous votre processus de création.

Étant donné que je ne crée qu’à mi-temps car être enseignante reste néanmoins mon activité principale, mes créations sont donc pour la plupart à la demande, c’est à dire qu’il est très difficile pour moi de trouver du temps pour des créations personnelles. Je suis donc juste là pour retranscrire les idées des autres, avec ma touche bien entendu !

En règle générale, je suis contactée par une association, un particulier, un commerçant etc. qui me demande de réaliser une fresque dans un endroit en particulier.

Soit ils ont déjà leurs idées bien précises et donc je ne fais que de retranscrire sous forme de croquis.

Soit au contraire ils veulent une fresque mais ne savent pas trop quoi, du coup je leur propose des idées, sous forme de planche d’ambiance, composée de dessins, d’images, de formes, de couleurs, piochées un peu partout, sur internet par exemple, lors de voyages ou regardant des films etc.

Une fois l’ambiance sélectionnée je passe donc au croquis, qui me demande énormément de temps, de réflexion et d’imagination.

Le croquis validé on passe alors à la réalisation, qui est pour moi juste de la retranscription car toute la partie créative se retrouve principalement dans le croquis.

3/Vous considérez-vous comme un artiste ?

Déjà c’est quoi un artiste ? Où place-t-on la barre qui délimite les professions artistiques de celles qui ne le sont pas. Comment je peux me considérer, moi, en tant qu’artiste ?

Il me semble très difficile de me considérer en tant qu’artiste. J’aborde très souvent la question d’un point de vue « Arts Appliqués » où chaque artiste a une spécialité et donc une profession. On est donc soit peintre, soit plasticien, soit muraliste, sois photographe, sois sculpteur, soit chanteur, etc.

Moi je suis enseignante, muraliste/graffeur et parfois graphiste, mais très certainement pas artiste.

Quelles sont les qualités qui font l’essence même d’un artiste ?

La maîtrise et la persévérance : un artiste c’est une personne qui se surpasse et qui maitrise son domaine, quel qu’il soit et qui ne recule pas devant un challenge.

L’adaptation : une personne qui s’adapte avant tout, à l’environnement, le support, le matériel, etc. et qui prend en compte l’évolution du monde qui l’entoure.

La curiosité : une personne toujours à la recherche de nouvelles techniques, expérience, etc.

 

4/ Citez-moi 3 qualités chez vous qui se reflètent à travers votre travail artistique.

Je pense être soignée, rigoureuse et polyvalente.

 

5/ Quel est ton meilleur souvenir artistique ?

J’en ai plusieurs :

Tout d’abord, la fresque réalisée à l’Ecole Victor Hugo, mon premier gros projet. J’avais une multitude d’éléments à y insérer, sans savoir comment relier le tout. Voilà comment le POPART est entré dans mon style ! Premier gros stress, premier gros succès !

Ensuite le dernier projet réalisé en Martinique. J’ai eu carte blanche sur ce gros projet, environ 140m2 de surface à peindre, j’ai fait intervenir d’autres graffeurs des îles voisines, c’était vraiment super !

Et inversement racontez-nous une mésaventure.

Je n’ai pas eu de mésaventure en particulier, à part peut-être quand un pot de peinture, mal fermé, s’ouvre dans la voiture, au premier virage serré après une longue journée passée à peindre sous un soleil de plomb !

 

6/ Quelle est votre « claque » artistique ?!

J’adore rencontrer des emblèmes du monde du Streets Art. Des personnes humbles, d’une simplicité, qui sont dans cet univers depuis leur plus jeune âge… Des espèces de « machines de guerre » une fois posées devant un mur avec leurs cartons remplis de bombes de couleurs.

Ce sont ces rencontres-là, ces rencontres qui te font te sentir minuscule qui te mettent une bonne claque mais qui te motivent vraiment à persévérer !

7/ Quels sont vos projets artistiques pour la fin 2021 et l’année 2022 ?

Les projets artistiques de cette année sont principalement des collaborations avec des graffeurs, des chanteurs, des marques, des magazines etc. Je ne peux pas trop communiquer dessus car malheureusement je suis dépendante des dates de parution/sortie etc.

Cet été j’ai travaillé en Martinique où j’ai réalisé des fresques sur tout le dernier étage d’un centre commercial.

Et puis en octobre je pars en Guyane pour le festival de Street Art ATIPART à Macouria ! J’ai hâte !

 

8/ Un rêve que vous souhaiteriez réaliser en tant qu’artiste ?

Une fresque à WINDWOOD -Comme je pense tout muraliste qui débute dans cet univers- en collaboration avec NERONE, ADELE RENAULT, GOLDEN, QUEEN ANDREA ou OPERA. Ça c’est la classe !

 9/ Comment qualifieriez-vous votre style en tant que peintre ?

J’ai plutôt un style POPART mais aussi minimaliste. J’aime les fresques graphiques et vraiment très colorées.

10/ Votre travail est très coloré et aspire à la bonne humeur, cela vient-il de votre caractère, de votre île ?

Le fait de produire principalement à St Martin, où il fait beau plus de 300 jours dans l’année, c’est super important pour moi de mettre de la couleur. Dès qu’il fait beau ces couleurs ressortent tellement mieux, ça claque !

Et puis il ne faut pas oublier qu’IRMA est passée par là et qu’il fallait redorer l’image de l’île, d’où l’importance de mettre de la couleur !

 

11/ Quels plaisirs éprouvez-vous à peindre ?

Les retours de la population. De savoir que mon travail est apprécié, c’est super important, motivant et gratifiant ! Je pense que c’est pour ça que j’aime peindre !

12/ Quelle partie de votre travail préférez-vous ?

Le début parce que je suis toujours excitée de commencer un nouveau projet.

Et puis surtout la fin parce que je suis toujours contente quand ça se finit (rire) !

13/ Aujourd’hui, pas mal de graffeurs se lancent dans le graff sur toile afin d’exposer leur travail dans des galeries. Vous arrive-t-il de peindre sur toile, et si oui dans quelles circonstances ?

Non je ne peins quasiment pas sur toile. Si je commence une toile tu peux être sûr que je ne vais jamais la finir. L’idée de la toile me plait bien mais je n’arrive pas à m’y mettre !

Cependant je finis très souvent mes croquis. Du coup c’est ça que j’encadre. Je les offre la plupart du temps, ou les garde en souvenir.

14/ Quelles sont vos inspirations ? Viennent-elles en observant le lieu dans lequel vous allez peindre ?

En général je réponds aux demandes des clients. Donc mes inspirations sont leurs idées.

Mais comme tout le monde je suis sur Pinterest et Instagram tous les jours, pour m’inspirer, détecter les nouvelles tendances, les nouvelles œuvres.

Et bien entendu, je m’inspire des plus grands, des mouvements artistiques, des voyages.

Après, lorsque je peins avec l’association WallArt, on aime bien marquer le coup part quelque chose qui va capter l’attention, un lettrage tendance, une cause pour laquelle on se bat, l’actualité, etc. Nos inspirations sont simplement le monde qui nous entoure, la population pour laquelle nous créons !

 15/ Comment en êtes-vous arrivé au graff ?

Le Street Art m’est venu après l’ouragan, je n’étais pas trop partante au début mais bon je me suis lancée. L’idée du grand format m’angoissait un peu, je manquais de confiance en moi. Du coup j’ai commencé crescendo, 1 m2, puis 5, puis 10, puis 30, et ainsi de suite !

Et puis de ma part ma profession d’enseignante, même si j’adore transmettre mon savoir faire et échanger avec mes élèves, je me retrouvais dans une routine et surtout à effectuer un travail de secrétaire, avec toutes les demandes de l’éducation nationale. La création me manquait de plus en plus, il me fallait trouver quelque chose qui me permettait de me motiver/challenger.

Voilà où l’association à jouer un grand rôle dans mon équilibre professionnel et artistique en m’introduisant à ces nouvelles pratiques pouvant satisfaire mon besoin de faire quelque chose de mes mains et de rajouter une corde à mon arc.

16/Avez-vous déjà essayé d’autres domaines artistiques ?

Je touche un peu à tout. En ce moment je fais beaucoup d’infographie, mais j’ai de plus en plus de mal à rester devant un écran, du coup je vais ralentir la cadence.

J’ai fait beaucoup de stylisme lorsque je faisais mes études et depuis mon retour sur SXM j’ai complètement délaissé cette passion. Mon objectif de 2022 c’est de reprendre la couture ! J’espère avoir un peu de temps à y consacrer !

Le cake design c’est bel et bien fini en revanche ! C’est trop de travail, de pression, et de temps passé sur une œuvre qui sera découpée et digérée en un rien de temps !

 

17/ En tant que femme, quels sont les atouts que vous pensez avoir pour vous démarquer dans ce monde à tendance masculine ?

Pour avoir travaillé avec beaucoup d’hommes, je pense franchement que la femme est plus patiente, soignée et appliquée. Les hommes ont ce besoin de résultat immédiat. A part ceux qui sont dans l’hyperréalisme bien sûr !

 

18/ Travaillez-vous parfois en collaboration avec d’autres artistes (pas forcément peintres) ?

Cette année c’était vraiment l’année de la collaboration comme mentionné un peu plus haut. Et 2022 s’annonce aussi haute en collab’, ça va être dingue !

19/ Quels sont les mouvements artistiques qui vous inspirent le plus ?

Le POPART pour ses associations de couleurs déjantées et le minimalisme pour ses lignes simples et épurées et son côté « Less is More » !

 20/ Vous semblez travailler au pochoir, quelles sont vos techniques de prédilection en matière de graff et pourquoi ?

Je n’utilise quasiment pas de pochoirs, je pense en avoir réalisé trois depuis mes débuts. Sinon je travaille principalement à l’acrylique et au pinceau.

J’aimerais bien maitriser un peu plus la bombe mais ça viendra avec le temps !

21/ Votre compte Insta se nomme « Lily’s not an artist ». Expliquez-nous cette revendication peu commune !

Depuis petite j’ai toujours été surnommée « l’artiste » du fait que je dessinais h24. Ça m’a toujours énervé, parce que je ne me suis jamais considérée en tant que tel. Du coup c’est mon côté contradictoire qui a pris le dessus !

 22/ Quel fut votre plus grand projet réalisé (en taille, en moyens utilisés…) ?

Le projet du Centre commercial Le ROND POINT en Martinique en termes de surface. Un projet qui aura duré cinq semaines, en collaboration avec trois autres graffeurs/artisans. Il y a de tout dans ce projet, une dinguerie !

Sinon le Projet des terrains de sport de la médiathèque : un projet mené par la préfecture qui avait pour but de rénover les murs de séparation des terrains en collaboration avec 2 autres graffeurs et les jeunes du quartier. On s’est retrouvés à 30/40 personnes sur toute une semaine. Un projet super enrichissant mais ultra sportif !                                                                                                                                                                                                                                  23/ Vous semblez préférer le grand format, vous arrive-t-il de travailler sur plus petit format ?

L’impact du grand format impressionne toujours plus donc je préfère. Disons que les seuls petits formats sur lesquels je travaille, c’est simplement le travail fait en amont, le croquis quoi.

 24/ Si je vous dis : demain au réveil la peinture n’existe plus. Comment le vivriez-vous ?

Franchement bien (rire) ! Je ferais autre chose sans problème ! Je m’adapterais et je me trouverais un autre moyen de créer !

25/ Quels sont vos sujets de prédilection en création ?

Je n’en ai pas en particulier. Mais les futures fresques seront très certainement sur le thème de la prévention (routière, drogue, alcool, maladies) et la protection (de l’enfant, la femme, contre les violences en tout genre).

26/ Vous arrive-t-il de faire passer des messages par le biais de la peinture ?

C’est bien le but de la peinture, transmettre des messages, des émotions !

Nous avions repeint un local poubelles sur le front de mer de Marigot, je pense que le message est bien passé auprès de la population : Keep SXM clean !

27/ Les lieux publics sont finalement une galerie permanente et gratuite pour votre public. Préférez-vous l’idée que votre art soit offert gratuitement à des personnes qui peuvent ne pas y prêter attention, ou bien qu’il soit dans des galerie où le public prête volontairement une attention à votre travail ?

Ce qui me plait tout compte fait c’est justement cette proximité avec le public. Le fait que ce soit quelque chose qui soit ouvert à tous. Ça paraît plus accessible pour ceux qui souhaitent se lancer aussi et faire changer les mentalités.

La rue est la plus grande toile qui existe et je pense bien que l’impact qu’elle a sur la population est bien plus gratifiant que la galerie.

Pour l’instant je suis encore novice dans le monde du Street art. Ça ne fait que deux ans que je peins sur des murs, j’ai encore un nom à me faire. Je pense que ce serait un peu prétentieux de ma part de pouvoir prétendre à exposer en galerie d’art, mais qui sait un jour peut-être… Après beaucoup de travail et de persévérance ! Inshallah !

 28/ Quel serait le plus beau compliment qu’on puisse faire à l’artiste que vous êtes ?

De donner vie à mes créations en les photographiant et en les partageant.



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